Épures de Laure Forêt
Laure Forêt se contente d’esquisser les jalons du mythe amoureux qui la fonde ainsi que son « chéri ». Elle ne tranche pas dans ses désirs. Ne se voulant ni sainte ni démone elle se revendique en tant qu’amante et artiste. Elle s’unit à l’autre dans une suite d’étreintes allusives. L’existence devient immersion dans la peau qui épouse la chair là où le simple trait a pris le relais du sexe afin de graver une prière implicite : que rien ne vienne disjoindre ceux que le désir a choisis.
Tous les mots sont tombés en chemin comme une petite monnaie. Le souffle du trait en épure significative signale des gestes symboliques. L’amante et l’amant coulent en leur désir : une même courbe les emporte. La femme s’y fait première au cœur de l’instant, consciente d’éprouver la jubilation du désir et la plénitude de l’accomplissement. Elle est celle qui demeure sans jamais changer. L’étreinte la noue à elle-même : hors d’elle rien ne serait. Elle la clame dans un poème optique et muet qui ne perd jamais l’unité et l’excès.
Reste une combustion dans la clarté de la peau qui rayonne de blanc dans la détermination de son élan. Le monde est comblé et l’espace ouvert là où la fleur trouve sa tige. Amante avant l’amant. Silence avant la parole. Le seul « Mon chéri » le remplit. Tandis qu’à lui seul le trait devenu noyau façonne le corps : il se dresse, se plie dans un mouvement de colline et de flux offert à la promesse hors de mesure.
© Jean-Paul Gavard-Perret, Mars 2014